La chronique de la semaine écoulée

La Calédonie entre supplice de Sisyphe et supplice de Tantale.
C'est le constat auquel nous amène l'actualité politique des derniers mois, voire des dernières décennies.
Pourquoi Sisyphe ? C'est le fondateur mythique de Corinthe, mais il est surtout connu pour son châtiment, consistant à faire rouler, éternellement, jusqu'en haut d'une colline un rocher qui en redescendait chaque fois, avant de parvenir au sommet.
Un supplice cruel qui lui avait été infligé après qu'il ait oser défier les dieux, notamment en déjouant la mort.
C'est devenu le symbole de l'éternel recommencement, mais aussi de l'absurde. D'un personnage qui tente d'échapper à une mort inévitable, et se retrouve condamné à tenter d'achever un travail interminable.
Nous n'irons pas plus loin dans la comparaison mais la recherche perpétuelle d'une solution d'avenir pour la Nouvelle-Calédonie a des allures de supplice de Sisyphe tant nous sommes condamnés depuis plus de trente ans, à revivre les mêmes séquences et les mêmes épisodes.
La difficulté d'ouvrir les discussions, les préalables, les menaces, les surenchères donnent une impression de déjà-vu.
Et quand on pensait avoir progressé, on a l'impression d'être revenus au point de départ. Nous sommes arrivés au bout des trois référendums, les calédoniens ont exprimé un triple refus de l'indépendance, mais… on a le sentiment que cette pierre, que nous avions poussée avec difficulté au sommet de la montagne, est déjà retombée et qu'il nous faut tout recommencer.

C'est là qu'intervient, aussi, le supplice de Tantale. Ce fils de Zeus, a été condamné en raison de son insolence et de son mépris à l’égard des dieux et son châtiment est de supporter la faim et la soif pour l'éternité. Attaché à un rocher, il est entouré de fruits et d’eau fraîche. Mais à chaque fois qu’il tente de s’en approcher, qu’il tend la main ou la bouche pour s’en saisir, les fruits et l’eau se mettent hors de sa portée, si bien qu’éternellement, il meurt de faim et de soif.
L’expression "supplice de Tantale" est passée dans le langage courant. Elle exprime la souffrance de quelqu'un qui a ce qu'il désire, à portée de main, mais qui ne peut l'atteindre, ou encore, la déception de celui qui voit ses projets ne pas se réaliser alors qu’il est tout près du but.
L'analogie avec la situation calédonienne s'impose, là aussi, avec ce vivre ensemble qui semble tout proche mais qui se révèle inatteignable, avec cette solution consensuelle que chacun recherche désormais, et que nous avons souvent approchée, mais qui, régulièrement, semble inaccessible

Et pour pousser encore la métaphore mythologique, nous pourrions invoquer aussi le fameux labyrinthe de Dédale dans lequel nous avons le sentiment d'être enfermés, incapable de trouver la sortie de l'Accord de Nouméa, faute d'un indispensable fil d'Ariane.
Comment lever ces châtiments qui s'apparentent à autant de malédictions ?
Peut-être y a-t-il dans la mythologie du peuple kanak, à laquelle se réfère Roch Wamytan, quelques héros fabuleux qui peuvent nous inspirer.

Nous trouvons déjà longs les 23 ans de l'Accord de Nouméa, alors, à défaut d'avoir recours à quelque Titan, il va falloir être plus forts, plus malins et plus inventifs que ces demi-dieux de la mythologie grecque, si l'on ne veut pas vivre ces supplices… pour l'éternité.