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LA CHRONIQUE DE LA SEMAINE ÉCOULÉE

La chronique de la semaine écoulée

Elizabeth Nouar
23 novembre 2025 à 22:16

Ils sont nombreux à avoir dit que c'était impossible alors... elle l'a fait ! 
Quelques jours après avoir annoncé l'organisation d'une consultation citoyenne anticipée, la ministre des outremers dégaine son projet de loi.
La consultation sur l'accord de Bougival aura lieu au plus tard le 15 mars. Ce sera une consultation binaire à laquelle il faudra répondre par "oui" ou par "non" et les calédoniens seront appelés à se prononcer sur le texte initial, celui de l'accord qui a été signé le 12 juillet et qui, le 6 septembre, a été publié au Journal officiel de la République Française.
Et enfin, ce sont les électeurs inscrits sur la liste spéciale consultation – celle des trois référendums – qui seront appelés aux urnes. 

Certains vont parler d'un passage en force, d'autres, d'une avancée à marche forcée et c'est vrai qu'en agissant ainsi, Naïma Moutchou en bouscule plus d'un !
On comprend la démarche. 
Par cette consultation anticipée – c’est-à-dire avant l'adoption de la loi constitutionnelle par le Congrès de Versailles – la ministre veut contourner un double blocage. 

Il y a d'abord celui du Parlement, où il pourrait être compliqué dans la cacophonie actuelle, de trouver une majorité des 3/5ème. En demandant aux calédoniens de se prononcer les premiers, la ministre fait le pari que les députés et sénateurs seront enclins à suivre la volonté exprimée par la population. 
Un "oui" à Bougival, de la part des calédoniens, pourrait désamorcer les oppositions parlementaires.

Le second blocage que veut contourner la ministre des outremer, c'est celui du FLNKS dont le refus de Bougival, l'absence de proposition et la volonté de ne parler qu'avec l'Etat et de ne discuter que de l'indépendance, ont eu raison de sa patience.

L'avantage de Naïma Moutchou, c'est qu'elle est nouvelle dans le dossier et on a l'impression qu'elle peut s'exonérer de certaines obligations que s'imposaient ses prédécesseurs. Tous se sont heurtés à l'inertie du FLNKS qui rend impossible toute solution. 
Et même si elle y a mis les formes, en déclarant qu'elle "ne veux pas faire sans le FLNKS, pourvu que le FLNKS ne fasse pas sans les autres", elle semble avoir tranché assez rapidement. A ses yeux, le FLNKS fait sans les autres et on est donc contraint de faire sans lui. 
D'autant plus que désormais, il fait aussi, officiellement, sans le PALIKA et sans l'UPM. 
Avec une consultation anticipée, le nouveau FLNKS garde toutefois la possibilité de faire campagne pour le "non" même si – par expérience – on peut penser qu'il choisira plutôt le boycott du scrutin. 

Mais en soumettant à la consultation l'accord publié au journal officiel, Naïma Moutchou choisit un texte qui ne sera ni modifié, ni adapté, ni amélioré. Et cela ne fera pas forcément plaisir à l'UNI qui avait proposé des évolutions de l'accord.
Cela risque, aussi, de faire grincer des dents, Calédonie ensemble et l'Eveil océanien, qui réclament que certains compléments politiques soient intégrés à l'accord, pour aboutir à un véritable accord consensuel.

La ministre des outremer bouscule, enfin, tous les constitutionnalistes, juristes et commentateurs qui, depuis des jours, expliquent doctement, à qui veut l'entendre, que cette consultation est impossible, inconstitutionnelle et que sa base juridique est trop fragile.

La ministre des outremer a décidé d'avancer. Elle prend son risque. 
Le projet de loi devra être adopté en conseil des ministres, soumis pour avis au congrès de la Nouvelle-Calédonie puis la loi devra être adoptée par le Sénat et par l'assemblée, le tout sur fond de débat assez vifs, sans doute, en Nouvelle-Calédonie. Autant dire que les obstacles sont encore nombreux avant que soit effective la consultation des populations intéressées sur l'accord de Bougival. 
Et peut-être même que ce n'est pas impossible... 

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